Les immigrés veulent être globalisés

Je dis souvent à mes élèves que les immigrés sont des gens très polis qui nous rendent, à nous les Européens, les visites que nous leur avons faites cinq cents ans durant. Ils connaissent déjà le chemin : il leur suffit de refaire celui qu'ont emprunté les conquistadors, les évangélisateurs et les colonisateurs qui occupèrent et exploitèrent leurs terres, les arrachèrent à leurs traditions et à leurs croyances et les dominèrent, se prévalant pour cela du mythe des trois « C » invoqué par le roi Léopold II de Belgique et adopté par la Conférence de Berlin en 1885 : « Civilisation, Christianisation et Commerce ».
Mais l'immigration est un phénomène sociologique, l'exercice d'un droit fondamental car, comme me l'a appris une paysanne du Chocó, en Colombie, « les choses n'ont d'autre maître que celui qui a besoin d'elles ». La nécessité de régulation de l'immigration, tant par les pays d'accueil que par les pays de départ, n'accorde pour autant à quiconque quelque lettre de marque que ce soit (la lettre de marque autorise les mercenaires à prélever une part du butin) et n'autorise ni la domination ni la compassion ni la pratique des abus.
Dans son livre « Sens dessus dessous ou l'école du monde à l'envers » (Patas arriba o la escuela del mundo al revès), Eduardo Galeano raconte qu'« Alice, après avoir visité le pays des merveilles, est entrée dans un miroir afin de découvrir le monde à l'envers ». Et que « si Alice revenait aujourd'hui, elle n'aurait pas besoin de traverser un miroir : il lui suffirait de regarder par la fenêtre », ou par l'écran d'un poste de télévision.

José Carlos Gª Fajardo

Este artículo fue publicado en el Centro de Colaboraciones Solidarias (CCS) el 15/03/2004